Par Yasmine Liénard
Publié le 30 juillet 2019 à 06h00 – Mis à jour le 30 juillet 2019 à 20h29
TRIBUNEA méditer ! (2/6). La psychiatre nous explique comment et pourquoi elle a introduit la méditation dans son traitement des patients, même s’il « n’est pas simple de convaincre les confrères du bien-fondé d’une telle méthode ».
Tribune. J’ai découvert la méditation alors que j’étais en train d’effectuer mon clinicat à l’hôpital Sainte-Anne à Paris. En concentrant mon attention sur mon souffle et mon corps comme la pleine conscience m’y invitait, j’ai ressenti des bienfaits sur mon état de stress et mes relations professionnelles ou personnelles. Ce fut pour moi un choc, un réveil à ma vraie nature, à quelque chose que je connaissais déjà mais que j’avais enfoui au nom de mes diktats personnels de réussite, de performance, et qui créaient cette souffrance que je ne pouvais nommer.
Cette découverte m’a ouvert des pans de créativité et de joies immenses. J’ai compris alors que ce qui me faisait souffrir, c’était aussi la façon dont on traitait les malades en psychiatrie. Le corps, les émotions y étaient peu considérés. Nous appliquions des protocoles, nous prescrivions des médicaments ou bien faisions de la psychothérapie éducative, mais nous ne nous intéressions pas suffisamment, selon moi, aux sensations corporelles des patients, ne tenions pas compte de leurs émotions in situ, dans l’instant présent. Nous ne prenions pas le temps d’écouter, d’être disponibles, pressés nous-mêmes et désireux d’atteindre des objectifs plutôt que d’être réellement avec eux.
Les hospitalisations dans les services de psychiatrie étaient également souvent associées à de longues heures d’ennui, à plus de consommation de tabac, une nourriture peu agréable, et quasiment pas d’activité physique ou de massages du corps et des tensions.
Personnes dépressives
C’est à la même époque, en 2006, que le recours à la méditation comme mode de soins en psychiatrie a commencé à être enseigné en Europe et diffusé dans les hôpitaux universitaires. Pour la première fois, un programme de méditation laïque baptisé « thérapie cognitive basée sur la pleine conscience » (en anglais : Mindfulness-Based Cognitive Therapy) a été validé pour soigner les rechutes dépressives, qu’il réduit presque de moitié.
Dans la dépression, la rechute trouve souvent son origine dans le refus des émotions négatives, que le patient considère comme un problème à résoudre et non comme l’expression naturelle de la vie, avec ses inconforts. Il s’épuise à chercher par le mental une issue à son mal-être. Pour éviter ces émotions – et les manifestations physiques qui leur sont liées : gorge nouée, oppression dans le thorax… –, il rumine des pensées négatives.
Avec la méditation, il va réapprendre progressivement d’autres habitudes. Ici et maintenant, respiration après respiration, il est invité à sentir, goûter, toucher, respirer, bouger en pleine conscience et ne pas laisser le mental envahir le moment présent avec des pensées négatives. Il apprend à écouter son corps, à nourrir ses besoins – bien manger, faire du sport ou du yoga, boire un bon thé, marcher dans la nature – en acceptant de ressentir les émotions, même inconfortables.
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